RP 6 (dingo) - Il faut sauver le Shaâmane Anabaane

Il faut sauver le Shaâmane Anabaane

Nous sommes en l’an de grâce 542 de la quatrième dynastie Dhyll. Le pays de Siguria est en train de connaître l’un des pires fléaux de son histoire. Depuis quatre lunes un hiver tenace s’accroche dans certaines des régions les plus reculées. La province du Glaudeland semble la plus touchée. Là-bas, le jour peine à s’imposer, par la faute des nuages mais aussi et surtout des chaînes de collines et autres montagnes qui font de ce bout de terre un bout du monde.

Le seul village digne de ce nom dans cette province est Anabaania. Il tire son nom d’une légende qui veut que ce soit ici que le tout premier shaâmane, accompagné de sa lâche vache et de son coquillard, ait énoncé les préceptes qui guident le monde d’aujourd’hui. La légende dit également qu’il est ensuite parti méditer dans la montagne, pour ne plus jamais réapparaître.

Anabaania tire sa seule richesse des forêts environnantes. Toute son économie repose sur elles. Tout ici est en bois, des ustensiles de cuisine au temple voué au shaâmane. Un bois rare, magique, plus précisément colothermomorphe, dont la propriété est de changer de couleur avec la température : blanc s’il fait chaud, de plus en plus sombre si le mercure descend.

Mais aujourd’hui, Anabaania est une ville sinistrée : tous les bâtiments sans exception ont revêtu une robe d’un noir profond, à peine rehaussée par l’épaisse couche de neige qui domine les toits. Cette noirceur donne une impression de deuil, accentuée par la disparition massive de la population qui a fui. Ceux qui sont restés sombrent dans une douce mélancolie et rêvent d’Anabaania-la-Blanche, citadelle irréelle entourée de forêts luxuriantes, que l’on peut observer lors de ces étés de canicule. Le froid en a emporté plus d’un, et la faim a chassé les autres. La petite communauté survivante n’est composée que d’une centaine d’hommes, contrairement aux milliers de gens qui y travaillent en temps normal.

La vie de cet îlot de résistance s’accommodait des éléments extérieurs. Mais alors qu’ils affrontaient le plus dur de cet hiver qui n’en finissait pas, les morsures du froid atteignant leur paroxysme, ils virent dans le ciel noir d’Anabaania s’élever un oiseau de feu, qui fila droit vers un de ces nombreux pics escarpés encerclant la ville. Les habitants furent surpris, d’autant plus que la lueur désormais immobile restait clairement visible, tel un phare, tel un appel.

« Lorsque les ténèbres approcheront
C’est de la lumière que viendra l’appel
Et du secours naîtra la délivrance. »

Ces mots étaient sortis de la bouche de kimaira, le vieux disciple de l’école shaâmanique.

— Le shaâmane a besoin de nous ! Il implore notre secours ! S’il meurt, la face du monde en serait changée.

Le vieil homme était rentré dans une transe folle, promettant l’apocalypse si l’on ne faisait rien. Il s’était ensuite précipité au temple et multipliait les offrandes.

Un petit groupe s’était réuni. Depuis leur plus tendre enfance ils avaient été élevés dans le culte du shaâmane. Le sauver serait un bonheur incommensurable pour eux. Rapidement ils s’organisèrent : cinq d’entre eux allaient partir à l’assaut de la montagne. Tous étaient des adeptes assidus de l’école. Ces cinq personnes représentaient cinq corps différents mais complémentaires.

On trouvait là un mage, en la personne d’Ethaniel. Revêtu de son immense cape verte il ressemblait plus à rien qu’à quelque chose, mais il avait le sentiment que son chapeau pointu lui conférait toute une majesté. Pour orienter la troupe, on avait enrôlé un guide pisteur, dénommé dhraff, qui connaissait tous les secrets du bois et des forêts, auquel on avait adjoint dingo, un stratège fin tacticien, qui devait sa finesse à sa taille plutôt qu’à son intelligence. Pour assurer la sécurité du groupe on avait désigné Bombtrack, une brute épaisse mais intouchable, grâce à son imposante cuirasse pleine de pics qui le faisait davantage ressembler à un gros porc-épic plutôt qu’à une gentille coccinelle, et son énorme gourdin aurait fait rougir n’importe quel orque des pâturages. Enfin, le grand gourou de l’école shaâmanique, le Capitaine Igloo, dont le nom s’accordait parfaitement avec le climat, fut choisi pour l’homme de foi qu’il était, ainsi que pour ses qualités de guérisseur. Dernier membre de la sixième lignée shaâmanique, il portait une imposante peau de yack, qui en plus d’être horrible, empestait d’une odeur nauséabonde à des dizaines de mètres à la ronde.

Nous l’avons vu, Anabaania est entourée de forêts. Mais tout autour s’étend également un imposant cirque montagneux, fait d’à-pics et de parois vertigineuses. Le ciel et la neige donnaient un relief effrayant à ce tableau noir et blanc. Pourtant, notre groupe se frayait un chemin sur l’étroit sentier qui grimpait à flanc de montagne. Dhraff dégageait le chemin à l’aide de sa petite machette, Ethaniel ramassait des plantes, Bombtrack astiquait un à un tous les pics de sa carcasse, tandis que les deux autres chassaient les parasites qui les harcelaient, en quête de nourriture. Bientôt, ils atteignirent un des rares hameaux de la montagne. Mais celui-ci avait été déserté par ses habitants. Il faut dire que la neige fut ici cruelle, gelant le puits jusqu’à l’éclatement et détruisant les habitations en faisant céder une à une les poutres de soutènement ; le foin des étables était aussi devenu dur comme la pierre.

Mais le groupe ne pouvait s’arrêter ; plus ils avançaient, plus la lueur semblait lointaine. Et les obstacles ne manquaient pas. Le périple amena nos héros face à un torrent charriant moult blocs de glace, qu’il serait insensé de traverser.

— Il faut que nous le remontions, il existe un vieux pont plus haut, annonça le guide.

Au même instant, un énorme craquement se fit entendre, et des bouts de planches et de cordes apparurent peu après à la surface. Le pont …

— Baloukazoum raminagrobiss pouf extra kick
— Hein ? Qu’est-ce qu’il t’arrive Ethaniel ? T’as vu un chat ?
— Non, rien, j’assèche.

Et effectivement, en quelques secondes, le lit du torrent se vida et tous purent traverser sans souci. Mais à peine avaient-ils fait quelques pas supplémentaires dans les bois que des bêtes sauvages plus qu’affamées, des caribous du chaos plus exactement, les rares animaux qu’il devait rester en cette contrée, se précipitèrent vers le groupe.

— J’en fais mon affaire.

Bombtrack fit tournoyer son gourdin et en deux ou trois mouvements, il terrassa la petite meute. Il n’eut plus ensuite qu’à ressortir son petit mouchoir, afin d’essuyer les traces de sang, indignes de son standing.
La petite troupe repartit vaillamment, considérant ces obstacles comme de légers contretemps sans conséquence. Jusqu’à ce qu’ils atteignent un vieux temple abandonné. Selon des croyances ancestrales, ce temple perdu marque l’origine du monde Anabaane et quiconque oserait franchir sa limite entrerait dans le domaine du shaâmane et y laisserait sa vie. Le pisteur s’était arrêté net. Mais notre guerrier s’exclama :

— Qu’est-ce qu’il se passe ? Fonçons, pas de temps à perdre.
— Tout est piégé, enchanté, au-delà de cette limite
— Et alors, nous avons un mage non ?

Ethaniel, pensant qu’il était de bon ton de montrer ses pouvoirs, envoya une boule de feu le long de l’allée qui s’enfonçait entre les colonnes … boule de feu qui lui revint en pleine poire et en double exemplaire.

— Qu’est-ce que je disais … C’est enchanté, on ne passera pas
— Nous ne pouvons peut-être rien contre la magie de ces lieux, les sorts du shaâmane étant imbattables, mais comme il est faible, je ne pense pas que les sorts se régénèrent. Renvoie une boule de feu pour voir.
— Comme il te plaira dingo.

Et Ethaniel renvoya une boule de feu, invoquant immédiatement un sort de bouclier pour le protéger de tout retour intempestif. Mais celui-ci n’arriva pas.

— Vous voyez ? Il suffit d’avancer en testant en permanence la magie des lieux.
— Mais je vais m’en prendre plein en retour moi …
— Et alors, n’es-tu pas fait pour ça ?

Mettant ainsi fin aux lamentations du mage, dingo l’invita à passer devant, suivi de dhraff pour lui indiquer où aller quand même. Et c’est donc bercés de formules plus compliquées les unes que les autres, illuminés par les boules de feu d’attaque et de contre, parfois par des éclairs, que nos cinq compagnons continuèrent leur chemin. Soudain, tous les sorts d’Ethaniel fonctionnèrent. Les cinq touchaient au but. Ils pouvaient distinguer le grand phénix à quelques encablures d’eux. Mais ils eurent tort de se croire arrivés. En cette époque neigeuse, ils auraient du le prévoir. A peine avaient-ils fait un pas de plus qu’un grognement se fit entendre. Impossible de le localiser, jusqu’à ce qu’une masse sombre apparaisse … L’abominable homme des neiges, ou pour les intimes Yéti, existait donc vraiment !

Ethaniel avait reculé quelque peu et lança un sort d’illumination pour pouvoir apercevoir distinctement la bête. Malheureusement, en reculant, il avait de nouveau pénétré le domaine enchanté et prit en réponse sans doute le dernier sort qui restait et qui le cloua sur place, les bras en croix. Dhraff était lui caché dans un buisson depuis le premier grognement.

— Un Yéti, ça aime le yack ? demanda le Capitaine.
— J’en sais rien, tu n’as qu’à aller lui demander, lui répondit dingo.

Et le disciple de s’élancer sur la gauche du monstre, tentant de faire diversion grâce à l’odeur nauséabonde qu’il dégageait. Mais la seule chose qu’il gagna fut un revers bien senti qui vint le faire s’écraser sur la pauvre dingo qui comme toujours n’avait rien demandé.


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[HRP]
Si vous avez eu le courage de compter, sachez que j'emploie dans ce RP 16 mots de la liste. Comme il m'est demandé de ne transmettre qu'une liste de 10, j'ai sélectionné les 10 termes suivants :
économie - paroxysme - coccinelle - parasite - poutre - hutte - titiller - anachorète - revigorer - résurrection

Bon, sinon, RP fortement inspiré de l'alliance Anabaane, donc certaines subtilités ne seront sans doute comprises que par les plus anciens de nos membres. Je me permets juste une petite précision pour éclairer la dernière réplique d'Ethaniel : l'un des commandements Anabaane dit
< Tu dois connaître ces deux phrases par coeur: "c'est une lâche vache qui use de magie" et "je m'en tamponne le coquillard". >