RP 10 (Influenza) - Le parchemin étrange

Asseyez-vous gentes dames, jolis messieurs. Nous allons vous conter une histoire très étrange tracée à l’encre fine sur un vieux parchemin trouvé il y a bien longtemps dans un contrée lointaine. La traduction des runes n’a pas été facile, certains concepts échappent d’ailleurs complètement à notre entendement, aussi nous vous demandons d’être indulgents.

Citation :

Je te dis que les Archives sont une belle supercherie ! s’exclama Stannis.
Moi j’y crois à ces Archives renchérit Influenza. J’ai lu des copies de certains extraits. Elles sont passionnantes et sont une source d’inspiration constante.
Pour fabriquer tes gadgets rétrogrades ? Pour connaître la façon dont batifolaient des... comment ils appellent ça déjà... des dinosaures ? Qui peut croire à ces prétendus vestiges d’un passé oublié ? Et franchement, des hommes non génétiquement ou cybernétiquement modifiés auraient-ils vraiment pu courir 100 mètres euclidiens en moins de 10 secondes ? Quel mensonge échevelé !
Oui, et bien au lieu de râler, tu ferais mieux de te concentrer sur notre partie.

Stannis prit sa tour et la plaça sur la septième rangée. L’air narquois, il leva les yeux sur son partenaire :
- cher ami, j’ai l’impression que ta situation est désespérée. Tu ferais mieux d’abandonner.
Influenza fit la moue. Les menaces de mat étaient effectivement multiples et imparables. Tristement, il coucha son roi sur l’échiquier.
- tu as triché, c’est évident. Le sacrifice de qualité que tu as joué tout à l’heure était tout bonnement inhumain. Je te soupçonne de t’être fait implanter la fonction cybernétique Stirf-Zabsech.
- je ne vois absolument pas de quoi tu veux parler

Autour d’eux dans un rayon de dix mètres, tout était fleuri et odorant. Une légère brise artificielle les enveloppait. Ils étaient assis sur des bancs de bois, autour d’une table de jeu. Adossés à un abri fait de rondins, ils pouvaient à loisir admirer les jardinières suspendues aux poutres transversales des constructions censées reproduire un antique patio. Quelques coccinelles artificielles virevoltaient çà et là, exécutant probablement un algorithme stochastique de déplacements. Bref, à quelques détails près, et s’ils avaient pu oublier le fait qu’ils étaient à bord du XT, le vaisseau spatial militaire le plus vaste et le plus complexe que l’humanité ait jamais créé, ils auraient pu se croire sur la légendaire planète Terre décrite par les Archives.

- je te parle de l’implant cérébral dont ils font la publicité sur les hologrammes, celle qui calcule 30 milliards de coups par seconde aux échecs...
- tu te fais des idées. Certes je n’aime pas perdre, mais j’aime encore moins qu’on touche à mon lobe frontal. Allez viens tu as perdu, tu me dois un verre. Et j’attends avec impatience les informations du front.

Citation :

Quinze ans auparavant, l’humanité avait fait la découverte du millénaire : ce qu’on croyait être un pulsar, le LGM-617672, était en fait un signal codé, donnant en boucle et sous forme de rayons X modulés, les 3125 premiers chiffres en base 5 de la constante pi. De toute évidence, on tenait une manifestation d’une autre forme d’intelligence ! Trois ans plus tard, un équipage de dix personnes envoyées en mission pacifique de reconnaissance et de diplomatie entrait physiquement en contact avec la civilisation Ashruxienne. Quelle naïveté toute humaine ! Que le martyr de ces missionnaires soit gravé à tout jamais dans nos mémoires ! La caméra de la navette filma et retransmit au XT l’intégralité des événements : d’abord l’arrivée en trombe, rotative comme des bottes de foin ballottées par le vent, de ces êtres bizarres, de forme sphérique, à cinq bras ; la capture de l’équipage ; les premières tentatives infructueuses de communiquer, du genre interrogatoire musclé ; puis l’analyse minutieuse mais néanmoins brutale des objets présents à bord ; l’évidente compréhension par ces êtres intelligents du rôle de la caméra ; et enfin, paroxysme de l’horreur et du sadisme, la mise en scène finale, outrageante et révulsante. Torturés. Disséqués. Dévorés. Dix morts. Devant cette cruauté, il était clair pour tous les spectateurs horrifiés par cette retransmission à bord du XT, que tout espoir de paix était vain. Le reste de la prise de conscience fut prompt. On s’était mis en danger en manifestant sa présence. On avait fait don bien gentiment à ces aliens de quoi nous étudier et nous connaître : quelques individus de notre population, avec à la clé, notre physiologie, notre ADN ; un joli vaisseau avec à bord des fleurons de notre technologie, propulsion hyperespace, plasma, ou autre réseau de communication intergalactique.

Et depuis douze ans ces aliens n’avaient eu qu’un seul objectif. Comprendre, cerner, attaquer, vaincre l’humanité. Se servir d’elle pour accélérer sa dissémination et son emprise sur l’univers. Se débarrasser d’elle au moment où tout le jus du citron aurait été pressé.

Citation :

Capitaine Stannis, j’espère que vous avez bien profité de votre permission. Je vous confie une mission de la plus haute importance. Les images recueillies par nos télescopes et radars ont indiqué que les aliens ont débarqué il y a deux jours sur la planète 1 :193 :5. Ils ont utilisé une technologie de propulsion de vaisseaux spatiaux directement recopiée de la nôtre. C’est ce que nous craignions. Maintenant, nous devons absolument déterminer : 1) le nombre de nos ennemis 2) la raison pour laquelle ils sont venus si près de nous, leurs intentions. 3) Nous voulons aussi capturer un specimen alien, mort ou vif, pour effectuer des analyses exobiologiques.
C’est à vous que revient cette mission périlleuse. Vous commanderez une escouade de trois hommes, dont vous laissons choisir la composition et l’armement. Vous approcherez dans un premier temps en mode furtif, en direction de la lune de 1 :193 :5 afin de ne pas être repérable par phalange de capteurs. Ensuite, vous vous rendrez sur la planète elle-même à bord de cinq sondes d’espionnage spéciales de technologie zénienne, aménagées pour accueillir un passager chacune. La cinquième est bien évidemment réservée au stockage du specimen alien. Elle sera téléguidée depuis la vôtre. Quand vous aurez atterri, vous aurez le champ libre pour atteindre vos objectifs. Notez le détail important suivant : la planète 1 :193 :5 est siège de vie. Une atmosphère respirable ainsi que des manifestations végétales ont été détectées.

Citation :

Ils ouvrirent les cockpits de leurs sondes et débarquèrent. Ils respirèrent avec appréhension leur première goulée d’air extérieur : conformément à ce que les appareils de bord avaient indiqué, cet air était respirable mais sa faible teneur en oxygène (par rapport à la teneur standard ISO [Inter Stellar Organization]) promettait des efforts pénibles. Stannis alluma son DMM portatif [détecteur de masses métalliques] et sourit, visiblement satisfait, à la vue d’un point clignotant sur l’écran de l’appareil. Les sondes étant en cristal pur (l’industrie avait rendu ce cristal si pur que les sondes étaient devenues depuis peu 100% recyclables), la masse détectée ne pouvait représenter que le vaisseau des aliens.

- chargez vos armes les gars si ce n’est pas déjà fait. Influenza, tu restes ici, pour surveiller les sondes et nos arrières. Tiens, je te confie la télécommande de la sonde 5. Creon, Billy, suivez moi, à couvert, direction nord ouest. C’est à 2 km d’ici. Vigilance ! En cas d’urgence, diffusion du signal de détresse adéquat sur le canal hertzien convenu. Tout le monde à l’écoute. A partir de maintenant, plus un bruit !

Et le trio se sépara du campement/parking à sondes improvisé, et d’Influenza.

Citation :

Malgré toutes les précautions prises par l’escouade humaine, les aliens les avaient repérés et les avaient laissés venir à eux. Ils leur fondirent dessus de tous les côtés, aussi bien sur le trio en marche que sur le camp de base resté en arrière. Quasi simultanément, on entendit sur le canal de détresse, malgré la friture :

- nous sommes attaqués !
- nous subissons un assaut !

Les événements s’enchaînèrent très vite. Du côté du trio, les humains tirèrent des rafales de laser sur les dizaines de formes roulantes s’approchant d’eux à la vitesse du guépard. Et aussi des myriades de décharges plasma, des gerbes de faisceaux ioniques ; rien n’y fit. Les tirs semblaient ricocher ou être absorbés par des boucliers invisibles. Pas un alien ne fut atteint. Quand ceux-ci furent sur eux, Stannis, Billy et Creon eurent l’impression que leurs armes et eux-mêmes pesaient des tonnes.
Billy jura et s’écria
« Intensification locale du champ de gravitation ! ».
Leurs muscles lâchèrent d’être ainsi accablés. Les armes et les corps des humains tombèrent à terre. Pour eux, le combat était fini. Ils étaient capturés vivants.
Dans un dernier souffle, Creon eut toutes les peines du monde à prononcer un dernier
« Influenza, fuis ! »
avant de se sentir perdre conscience comme les autres.

Côté Influenza, le même scénario était en passe de se reproduire. Devant l’inefficacité de ses armes standard, il rugit intérieurement.
« Attendez voir bande de sales bouses roulantes, je vais vous la jouer moyen-âgeuse. »
Il dégaina son antiquité fétiche, un magnum calibre 12. Il l’avait commandé aux auto-usines du XT, sur la base des plans retrouvés dans certaines des Archives. Tout le monde s’était moqué de lui, jadis. « Allons, Influ, crois-tu vraiment, qu’un engin fonctionnant à base de réaction chimique, de propulsion matérielle d’un mini-missile, et à vitesse infra-luminique de surcroît, mérite vraiment d’être appelé une arme ? »
Il tira sur l’alien le plus proche de lui. Celui-ci s’affaissa, inerte, dans une giclée de liquide jaunâtre. Une multitude de cris perçants s’élevèrent au même instant, et un instant de flottement sembla s’instaurer parmi les assaillants. Collectivement, on constatait une immobilisation, des frétillements, un fléchissement des articulations. Ces aliens ne semblaient pas apprécier le fait que l’un d'eux ait été dézingué.
Influenza en profita pour occire trois ou quatre des individus qui l’encerclaient, une balle chacun. Mais à la vue de l’arrivée de renforts ennemis massifs à l’horizon, il songea que c’était le moment de s’éclipser. Il pianota l’ordre d’ouverture et de décollage immédiats sur la télécommande de la sonde 5.

Au moment où il s’apprêtait à entrer dans le cockpit, une douleur affreuse se fit sentir dans sa jambe droite. Il se retourna et vit que le dernier alien qu’il croyait avoir abattu, s’était en fait rapproché de lui en rampant, et lui avait fiché l’extrémité griffue de l’un de ses 5 membres. Il vida son chargeur sur le centre de la créature. Celle-ci s’écroula, mais resta fixée à sa jambe, tel un poids mort. Influenza essaya de décoincer la griffe de sa jambe. Une douleur aiguë le lancina. Rien à faire. Il était harponné.
« Et bien viens donc avec moi dans ma cabine, ma biche… on va se tenir chaud. »
Il hissa le cadavre de la créature à sa hauteur (et songea qu’un alien pesait sensiblement le même poids qu’un homme) et le fit basculer à l’intérieur de la sonde, faisant suivre sa jambe, puis le reste de son corps. Il maudit le manque d’espace vital, et dut adopter une position pliée et tordue pour pouvoir refermer.
« Donnez votre destination » fit la sonde.
« N’importe, m’en fiche, DECOLLE !
« Donnez votre destination »
« Retour sur la lune… »
« Surpoids de la cargaison, 112%. Pas assez de deutérium pour la destination indiquée. Mode économie de carburant activé. Veuillez spécifier une destination moins lointaine et/ou une vitesse réduite. »
« Malédiction ! Où nous pouvons aller ? »
« En n’importe quel point de cette planète ».
« Merveilleux… Aux antipodes d’ici, VITE ! »

Et la sonde décolla enfin, survolant le champ de bataille. Influenza aperçut ses compagnons au sol. Les aliens s’affairaient autour d’eux mais ne semblaient pas attenter à leur intégrité physique, au contraire, ils semblaient même prendre le plus grand soin de leur captifs inconscients. Un peu honteux de les laisser là et d’être le seul à s’en sortir, il murmura :
« Je vous promets de revenir, les gars. Je préfèrerais vous savoir morts plutôt qu’esclaves ou cobayes entre les griffes de ces immondices. »
Il vit aussi le vaisseau spatial ennemi et fut surpris de constater que tout un pan de ce vaisseau était manquant. Le métal avait fondu par endroit. De grosses traces noires de combustion encadraient une ouverture improvisée laissant apercevoir un compartiment dévasté. Influenza ne put réprimer un petit sourire mais la douleur fut prompte à se rappeler à son bon souvenir.

Citation :

Il réussit tant bien que mal à retirer la griffe de sa jambe. Il s’ensuivit une hémorragie qu’il eut également du mal à stopper, à l’aide d’un garrot. Quand la sonde atterrit, il était terriblement affaibli. Il considéra la situation. Catastrophique. Blessé. Unique moyen de transport : en panne de carburant. Impossible de se sustenter. Des aliens à ses trousses. Combien de temps mettraient-ils à le rejoindre, sur cette planète de taille moyenne, de 163 unités standards ?

« En vaisseau, pas longtemps, pensa-t-il. Mais d’après que j’ai vu, il sont autant en panne que je le suis. A « pied », si j’estime leur vitesse à 100km/h, je dirais qu’ils peuvent m’atteindre en trois jours. »

Influenza sentit la mélancolie l’envahir. Il n’eut pas à attendre trois jours.

Il errait depuis quelques heures, en spirale de plus en large, aux alentours de son nouveau point de chute. Le décor était monotone. Rocher, ravin, mare d’eau sale, végétal de climat aride, rocher, ravin, … Il était à la recherche d’eau et de nourriture dignes de ce nom et se voyait déjà dans un proche avenir obligé premièrement de boire une eau croupissante et deuxièmement de se risquer à manger les végétaux inconnus ou le cadavre d’alien. A la nuit tombante, harassé de fatigue et de douleur, Influenza sombra dans un sommeil profond.

A son réveil, il était entre quatre murs et un toit faits de torchis et de branchages. Un alien l’observait. Pris de panique, Influenza essaya de se lever, de se retourner et de saisir une arme quelconque. Mais son mollet l’élança une fois de plus, et aucune arme n’était dans son champ de vision.

« A votre place, j’essaierais de pas trop remuer » dit l’alien. « Rassurez vous, je ne vous veux aucun mal. »

J’ai vu ce vous avez fait à mes compagnons. Que voulez vous ? Qui êtes vous ? Comment avez vous fait pour pouvoir parler ma langue ?

Que de questions ! Un peu de patience. Mon nom est Jkrchgzvchrkvfj (à ce moment, Influenza entendit un crachouillis infâme), mais je pense qu’il vous sera difficile de prononcer mon nom, aussi je vous suggère de me nommer à votre guise. Comment voulez-vous m’appeler ?

Heu, « Jo », ça vous va ?

Parfait, pour vous, donc, je répondrai au nom de Jo. Je suis un Ashruxien. Ashrux était notre planète d’origine, il y a cela 5 milliards d’années, mais bien avant que l’étoile autour de laquelle elle tournait ait enflé au point de l’absorber, les Ashruxiens ont essaimé dans la galaxie.

Que voulez-vous à mon espèce ? Pourquoi avez-vous fait preuve de tant de violence lors de notre premier contact ?

Parce que ce ne sont pas vraiment des ashruxiens qui vous ont accueilli.

Pourtant ils vous ressemblent comme deux gouttes d’eau.

Jolie métaphore. Oui, effectivement. En ces bordures de galaxie, les individus de mon espèce sont victimes d’une autre espèce, parasitoïde. Ces parasites, qui ont été découverts sur une planète assez proche d’ici (environ à deux parsecs d’ici selon la direction vectorielle (1 ; 2 ; -3) dans votre système de coordonnées standard) s’incrustent dans le système nerveux de leurs hôtes, et en prennent le contrôle. Nous nommons ces parasites « sltdbstl » (nouveau crachouillis) ; aussi, je vous laisse chercher une dénomination pour ce terme, à votre guise.

« Saletés de bestioles, ça me paraît bien ; ah tiens, bien salbioles, c’est plus court. Et vous n’êtes pas infesté par une salbiole, Jo ?».

« Si. »

Regards inquiets...

« Mais rassurez-vous, elle est morte. J’ai un cadavre de salbiole dans le cerveau. Laissez moi vous conter ce qui m’est arrivé. Il y a 10 de vos jours standards, un équipage ashruxien infecté, dont je faisais partie, vogait à bord d’un vaisseau spatial inspiré de votre technologie, à votre rencontre pour une mission d’attaque surprise. En route, ma salbiole a dû ressentir un malaise propre à son espèce, dont je ne garde pas le souvenir, car elle m’imprima l’ordre impérieux de me rendre à l’infirmerie. Et elle mourut subitement. J’ignore pourquoi. Ces bestioles ne sont pas immortelles, tant mieux. Il se trouve donc que j’ai recouvert en quelques instants toutes mes aptitudes de contrôle de moi-même en tant qu’Ashruxien libre. Pour moi, c’était une véritable résurrection. Mais ces parasites ont le chic pour repérer les ashruxiens dont ils ont collectivement perdu le contrôle. J’ai senti aussitôt tous les regards se braquer sur moi. Je décidai dans l’urgence de m’enfermer dans le compartiment où j’étais, d’infirmerie/morgue. A l’approche de la planète où nous sommes, que le plan de vol avait identifié comme un point de ravitaillement possible, je décidai de m’éjecter dans l’une des capsules-cercueil, non sans avoir laissé une petite surprise explosive derrière moi. J’ai emmené avec moi un appareil de chirurgie dans l’espoir d’extraire ce cadavre de salbiole de mon système nerveux central, mais j’ai bien peur de manquer définitivement de courage pour effectuer cette opération sur moi-même.

Influenza et Jo discutèrent longuement et finirent par sympathiser.

Jo raconta ce qu’avait été sa vie libre : sa jeunesse ; ses études de médecine, sa famille. Il relata le débarquement surprise de congénères infestés sur la colonie où il vivait, son enlèvement et son infestation. Enfin, il décrivit les actions que sa salbiole fit par son truchement.

« Les salbioles utilisent la mémoire organique de leurs hôtes. Sinon, comment expliquer le fait que j’ai eu conscience des actes que j’ai effectués pendant cette période, et que j’en garde le souvenir ? Je pense qu’ils utilisent également les connaissances de leurs hôtes. En revanche, je n’ai pas le souvenir d’avoir eu accès à la mémoire ou aux connaissances de mon parasite. »

L’historique d’asservissement retracé par Jo était passionnant à entendre. Enrôlement dans l’armée. Affectation au contingent scientifique. Analyse minutieuse du vaisseau spatial humain qui venait d’être découvert. Apprentissage du langage humain à partir des enregistrements, livres, trouvés à bord. Mais par dessus tout, son tandem avait dû étudier les restes des humains qui avaient été les occupants du vaisseau. Les salbioles portaient le plus grand intérêt à la question de savoir si les humains étaient parasitables, et si oui, s’il était plus intéressant de parasiter un humain qu’un ashruxien.
Et la réponse est : oui. Depuis, ils vous cherchent. Vous dévorer était une bien belle bêtise, maintenant ils veulent vous capturer vivants !

Influenza livra peu de sa propre histoire. Il préféra relater ses péripéties récentes des dernières heures. Elles ne manquèrent pas d’éveiller le plus grand intérêt chez son nouvel ami Jo :

« Où se trouve votre sonde, et le cadavre ? Nous devons l’examiner ! Nous serons sans doute les pionniers en la matière ! En tous cas, jamais aucun ashruxien libre n’a réussi à mettre la main sur une salbiole à ma connaissance... »

« Ramenez–moi à l’endroit où vous m’avez cueilli, et je vous y mènerai ! ».

Citation :

« Il faut ramener tout ça à ma hutte. Vous vous chargez du cadavre, je prends la sonde.
« Ma jambe me fait mal ! »
« Allez, du cran ! Estimez-vous heureux que ce soit moi qui me charge du fardeau le plus lourd.»
« Oui, mais le mien pue, en plus ! »
« Vous et votre chimie organique alors... Quel besoin aviez-vous de percevoir votre environnement par processus chimique ? »
« Primo, nous n’avons pas eu le choix, c’est le résultat de notre évolution »
« Merci, je sais bien, ne sentiez vous pas une pointe d’humour dans mes propos ? »
« Et secundo, excusez-moi, mais il ne faut pas dire chimie organique pour parler du sens olfactif ! Le terme chimie organique est déjà déposé pour une notion autre... »
« Intéressant... A quoi ce terme est-il réservé, au juste ? »
« A l’étude des molécules composées de carbone, grosso modo les molécules produites par les êtres vivants ».

Citation :

Jo utilisa l’appareil chirurgical qu’il avait subtilisé lors de son évasion. Ils opérèrent le cadavre d’ashruxien pour en autopsier le système nerveux. Ils y découvrirent effectivement un parasite mort, traversé par une balle calibre 12.

« Il va vous falloir revoir vos définitions de la notion de chimie organique, mon ami... J’avais entendu parler de cette possibilité en cours quand j’étais jeune, à propos d’exobiologie/fiction. Une question de valence électronique identique. Les ashruxiens sont constitués de carbone, et vous aussi les humains êtes constitués de carbone, mais... ces salbioles, elles, sont à base de SILICIUM. »
« Vous voulez dire que ce sont des machines ? »
« Non, pas du tout. Ce sont bien des êtres vivants. Mais il se pourrait bien qu’ils aient des points communs avec vos machines pour fonctionner. Regardez cette masse molle et gélatineuse ici : je parierais qu’il y a de la conduction électrique. »

Ils autopsièrent la salbiole pendant des heures. En fin de journée, ils essayèrent d’effectuer une synthèse de leurs connaissances.
« Ces êtres :
- ont une structure sociale ultra-hiérarchique
- communiquent par ondes radio
- supportent très mal que l’un d’entre eux soit mis hors-service
- sont principalement constitués d’une masse nerveuse/cérébrale, fonctionnant à l’aide de petits courants électriques dans des matériaux conducteurs ou semi-conducteurs
- DONC ils doivent être sensibles à mon EMP !
. »

Influenza alla fouiller dans sa sonde et en sortit un boîtier :
« EMP. Electro Magnetic Pulse. Ça vous déboussole tout système électronique. »

Gentes dames, jolis messieurs, en ce fol endroit du récit, le parchemin est brûlé ou illisible. Pour ne point vous désappointer, imaginez qu’Influenza est capturé vivant par ces démons parasitaires. A moins qu’il ne se soit livré ou laissé prendre de son plein gré ? Imaginez que dans sa geôle, il subit les invectives et la nargue de son ami Stannis, possédé par les puissances démoniaques. Imaginez qu’il tente de négocier les conditions de sa propre possession...

Citation :

- Une fois de plus, cher ami, j’ai l’impression que ta situation est désespérée. Tu ferais mieux d’abandonner. Dommage, cette fois-ci, ce n’est plus un jeu.
- Ne m’appelez pas « cher ami ». Ne me tutoyez pas. Votre mansuétude feinte m’horripile. Je sais que vous n’êtes pas Stannis.
- Allons, ne fais pas cette tête... Tu n’en as plus que pour quelques jours avant de devenir un des nôtres. Tu pourrais y mettre un peu de politesse... Jouer le rôle de ton ami, moi, ça m’amuse. J’en ai les moyens, les souvenirs de ton ami comme tu dis, sont très nets. Je connais votre passé commun... Des actes répréhensibles... [HRP]chers lecteurs, n’allez quand même pas imaginer des choses...[/HRP]
- OK, mon heure est venue. En souvenir de notre ancienne amitié, « Stannis », puis je te demander une faveur ? Je caresse l’espoir de contribuer, par la mise en scène de ma mort en tant qu’être humain libre, à civiliser cette forme de vie intelligente mais totalement barbare. De lui enseigner par un petit Travaux Pratiques la notion d’ultime volonté du condamné. J’ai une ultime volonté : je souhaiterais jouer une dernière partie d’échecs avec toi. Je parie que je te bats !
- Ha, ha, ha. Tu ne l’as j... Hum. Je veux dire... tu ne m’as jamais battu. Sur tous les plans tu es battu d’avance. Ne t’en fais pas pour ça, tu l’auras ta partie d’échecs.

En quelques heures, un jeu d’échecs un peu spécial mais tout à fait correct fut produit par l’industrie, et fut amené par Stannis, le sourire aux lèvres, dans la cellule d’Influenza.

Les deux adversaires s’attablèrent et entamèrent l’ultime partie. Stannis semblait un peu moins sûr de lui que d’habitude. Influenza, contrairement à son habitude face à cet adversaire, parvenait à tenir bon. Les coups se succédèrent avec une intensité et une profondeur hors du commun. Influenza s’efforçait constamment de compliquer l’analyse, et de confiner à l’imprévisible le déroulement de la partie.
Le sourire de Stannis s’effaçait progressivement. L’ex capitaine d’escouade commençait même à se gratter le menton, ou à prendre sa tête entre ses mains. Ses efforts de concentration accaparaient visiblement toute son intelligence. Influenza déglutit et se dit que c’était le moment. Il s’excusa intérieurement auprès de son ancien ami pour l’acte qu’il s’apprêtait à commettre.
Il appuya sur le bouton du boîtier EMP caché sous son aisselle et ferma les yeux.
- SCHPLAF !

Citation :

- ça a fonctionné, pensa Influenza. Je n’ose pas rouvrir les yeux. Stannis, satané tricheur, cette puce-implant a eu ta peau. Tes efforts de concentration, injectés dans l’implant, ont créé suffisamment de courant dans la puce pour que mon EMP ait l’effet destructeur escompté. Au moins, j’aurai réussi à le soustraire de l’esclavage de ces aliens. Je n’en reste pas moins condamné.

Influenza rouvrit un oeil. Stannis était intact.

- je me sens tout drôle, dit Stannis. Que s’est-il passé ? Je me sens... Libéré. Ces voix coercitives, ces injonctions d’ordres et de schémas de pensées extérieures imposés... Envolés. Le lien de domination a été rompu. Qu’as tu fait ?
- heu... Content de te retrouver Stannis. Ça va, t’es sûr ? Dis, tu as bien entendu un bruit ? D’où pouvait-il bien provenir ?

Ils se levèrent en même temps pour aller voir au dehors par la fenêtre. Une dizaine d’aliens gisaient au sol. L’un d’eux en particulier, avait le crâne défoncé.

- Tu n’avais pas un implant Stirf-Zabsech dans le cerveau ?
- Hein ? Quelle drôle de question. On est au beau milieu d’aliens, il faut songer à s’enfuir et c’est à ça que tu penses ?
- Réponds !
- Euh oui, mais les aliens me l’ont enlevé, avant de m’inoculer ce parasite de servage.
- Eh bien apparemment, le big boss de fin de niveau s’était fait installer ton implant. Encore plus tricheur que toi, il n’a pas pu empêcher d’assister à notre partie, juste là derrière notre fenêtre... Je viens de balancer un coup d’EMP, ces parasites n’aiment pas ça du tout. Ils ont été sonnés. Mais pour le chef, avec un implant électronique connecté, l’effet a été décuplé. Regarde donc ce trou dans sa cervelle...
- Certains diront : ne jouez pas aux échecs, ça vous détruit la cervelle !

Et ils éclatèrent à leur tour. Mais rassurez-vous, eux, c’est de rire qu’ils éclatèrent.

Citation :

Influenza appela du renfort au XT tout en tenant en respect, à l’aide de Jo et de Stannis, les salbioles qui avaient survécu à l’EMP. Jamais on ne leur laissa l’occasion de reprendre complètement conscience, par l’envoi régulier de salves EMP. Dans leur transmission, l’escouade humaine fit un rapport succinct sur la mission, en prenant bien soin d’insister sur la distinction entre les deux espèces aliens et sur l’existence d’un gros point faible chez la belliqueuse. Créon, Billy, Stannis, Influenza furent récupérés tous les quatre à bord du XT, mais tout de même mis en quarantaine par précaution dans un premier temps. On extirpa les salbioles des crânes de ceux qui avaient été infestés. Assez vite, les quatre compères purent retrouver une vie normale.
C’est depuis cette époque qu’ils furent désignés sous le nom de Xénomorphes : ceux qui avaient fusionné leur être avec des aliens.

Quant à Jo, il repartit sur sa colonie lointaine, vivre en ermite.

Des contacts pacifiques purent avoir lieu entre Humains et Ashruxiens.

Les objectifs et les stratégies de guerre furent redéfinis, mais la Guerre de 1000 ans contre les salbioles est une autre histoire...

Les gentes dames et les jolis messieurs n’avaient rien compris à cette histoire, mais ils contemplèrent longuement en silence le ciel étoilé qui surplombait leur feu de camp qui crépitait, et se mirent à rêver d’ailleurs lointains sans nombre.

[HRP]
Liste des mots imposés utilisés :
- runes
- friture
- résurrection
- coccinelle
- dinosaure
- sustenter
- hutte
- parasite
- économie
- poutre
- paroxysme
- échevelé
- mansuétude
- répréhensible
- ermite

Je tiens à préciser que les membres de l'escouade de cette nouvelle, Stannis [Baratheon], Billy [le Triste] et Créon (et Influenza) existent bel et bien au sein de l'alliance XT sur Ogame FR Univers 18. Les défauts qui leur ont été prêtés sont fictifs. En particulier, Stannis ne triche pas aux échecs.
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