RP 12 (Kura) - Equilibre

Dans un univers en paix...




Le Bien a vaincu le Mal !

Mais Trop de Bien, ça ne fait pas du bien.

Il est temps… qu’apparaisse un Méchant !



Après avoir fait sécession de la gentille Hégémonie, le grand Méchant va devoir mener ses troupes de vilains à la guerre contre les gentils pour accomplir son destin. Est-ce tout ? Non, il a un but machiavélique ! Un vrai méchant.

Accessoirement, nous vous offrons les aventures d’un noble et d’un ménestrel pour vous divertir. Trop de violence tue la violence, comme on dit. Faut bien un peu de distraction dans ce monde de méchants.



Equilibre. Bientôt, sur ce forum.

PREFACE
-
Par Moi

Une petite description de l'auteur. Bientôt 22 ans, et toutes ses dents, même si certaines sont cariées. Personne n'est parfait, que voulez-vous. Si vous avez lu la bande annonce, vous doutez peut-être de sa santé mentale. Effectivement, il y a de quoi se poser des questions.

Cet auteur est assez étrange. Il pourrait écrire de jolies choses, mais une malédiction amène toujours ses personnages dans des situations stupides, alors forcèment le scénario s'en ressent. Tant pis. Il suffit de s'y adapter.

Ce RP n'a pas pour vocation d'être classique. Vous vivrez l'histoire selon le point de vue de trois personnages. Chacun ayant un caractère qui lui est propre, ou du moins cela aurait dû...



Je dédie ce RP à ma grand flemmardise, qui aura encore une fois essayé de m'abattre avant que je ne termine l'histoire.

PROLOGUE

- Je suis le méchant.

Incompréhension. Plus encore que la surprise, c’est ce qui ressort du regard de ce cher Henri-Robert. Henri-Robert du Lac. Tu parles d’un nom débile. Non pas que j’oserais lui dire, je ne pense pas qu’il le prendrait avec le sourire. Non pas non plus qu’il puisse y changer quelque chose, il n’a pas choisi cette appellation. Toujours est-il que, quel que soit son nom, il me regarde actuellement comme un paysan regarderait un noble en train de traire une vache. Notez que je suis certain que ça ferait du bien au dit noble, mais ne changerait rien au problème. Je pense que pour rassurer Henri-Robert sur l’état de ma santé mentale, je lui dois quelques explications. Fatigant, mais nécessaire.

- Oui, je suis le méchant. Réfléchissez quelques instants. Ne me faites pas regretter de vous avoir nommé Chancelier de l’Empire. Déjà que je me suis fait suffisamment d’ennemis en élevant un berger au rang de numéro deux de l’Empire. Vous vous en doutez, non ? Tant de nobles abrutis qui ont manigancé dans l’ombre, manipulé de pauvres diables, commandité des actes peu ragoûtants, pour ne rien obtenir au final, puisque ce fou d’Empereur a choisi de donner le poste de chancelier à un berger. Rageant.
- Oui, Sire, mais je ne pense pas que ce soit pour cette raison que vous vous proclamez Méchant.
- Tout juste. Vous ne voyez vraiment pas ? C’est pourtant simple. Vous devez savoir que certains se complaisent à distinguer deux forces élémentaires en ce monde. Le Bien et le Mal. Vision simpliste des choses, non ? Alors qu’une majorité essaie de faire triompher le Bien pour pouvoir vivre tranquillement dans la paix et finit par sombrer dans la mélancolie, certains embrassent le chemin du Mal, à la recherche de la puissance, de toujours plus d’argent, ou que sais-je encore. Mais est-ce vraiment ainsi que fonctionne l’univers ? Qu’en pensez-vous ?

Il réfléchit. C’est ce que j’ai apprécié chez lui, ce temps de réflexion qu’il s’accorde avant de parler ou d’agir. Aucun noble ne possède cette capacité, ils sont tous trop pressés d’arriver à leurs fins.

- J’ai toujours pensé ainsi… C’est ce que les Anciens du village nous racontaient le soir, lors de la veillée au coin du feu. Dans toutes les histoires le Bien et le Mal s’opposaient.
- Tout juste. Dans toutes les histoires, Bien et Mal vont de paire. C’est ce que j’appelle le Neutre. Imaginez un monde sans Mal. Le Neutre disparaît. L’équilibre est rompu.
- Je ne vois pas où est le problème. Le Mal, c’est mal, enfin ce n’est pas bien… Enfin vous me comprenez.
- Un mal nécessaire. Prenons un exemple concret. La situation actuelle de l’univers, par exemple. Un Empire unique. L’univers unifié, toutes les rébellions matées, la paix interstellaire. Un doux rêve, une utopie qui s’est réalisée. Fantastique. En apparence du moins. Personne n’est satisfait de cette situation. Chacun complote dans son coin, et au final, cette union, ce Bien sans Mal, va voler en une myriade d’éclats. De nombreuses planètes se retrouveront isolées, voire oubliées de la majorité. L’économie va s’effondrer. L’univers connaîtra alors une crise sans précédent qui risque de durer des décennies, chacun essayant de tirer son épingle du jeu et ne réussissant qu’à enfoncer un peu plus l’univers des hommes dans le chaos. Prenez un Mal. Insérez le dans ce Bien, et il luttera de toutes ses forces contre ce Mal, oubliant ses querelles intestines quelques temps.
- Je vois… C’est tiré par les cheveux, tout de même. Vous êtes en train de me dire que vous avez fait sécession de l’Hégémonie, profitant de votre position de Chancelier de l’impératrice pour attirer à vous de nombreux sénateurs, afin de déclencher une grande guerre stellaire, cela afin d’empêcher l’Hégémonie d’imploser. Vous êtes fou, finalement.
- Pas fou. Méchant. Et je sais que vous aimez ça.
- Trop tard pour reculer, non ? Il ne reste plus qu’à voir ce que cela va donner…

Je me réveille en sursaut. Le réveil n’a pas sonné ! Le soleil inonde de lumière la hutte, et… Minhutte… Une hutte ? Oui les jeux de mots pourris dès le réveil, ça met de bonne humeur. N’empêche, je suis sûr de m’être endormi dans mon bon lit douillet du palais royal d’Artholio, avec son matelas « Epais d’oie » ® en plumes d’oies. Et je me réveille dans une foutue hutte. Et qui dit hutte, dit village de sauvages, de barbares, de… Et surtout, pas de serviteurs ! C’est embêtant ça. Je ne me suis jamais habillé ou lavé seul. Je commencerais bien maintenant, mais je ne sais pas comment on fait. De toute façon, je ne vois ni vêtements ni baignoire aux alentours. Juste cette paillasse, et deux trous dans la paroi qui doivent correspondre aux notions de fenêtre et porte pour ces sauvages.

Un rapide coup d’œil sur moi-même me montre que je porte un superbe caleçon en soie. Une introspection m’apprend que le soleil tape très fort et que mon organisme en ressent les effets. Il ressort de cet examen que j’ai soif, que ma peau délicate a déjà bien rougi, et que finalement, se balader en caleçon ne devrait pas être désagréable par ce temps. Je décide de sortir de la hutte. Autant être fixé le plus vite possible.

Pfiou, c’est un grand village. Au moins dix huttes. Ca doit faire pas loin de trente personnes tout ça. Au centre du village, un grand feu brûle dans un cercle délimité par des pierres blanches et noires, alternativement. Et une grande tablette de pierre attire mon attention. Toutefois, je résiste à l’envie d’aller l’étudier de plus près lorsque je vois quelqu’un sortir d’une des huttes. Peu impressionné par son chapeau à plumes et son collier d’os, je décide de fixer tout de suite les points sur les i. De par ma naissance, je suis évidemment largement au-dessus de ces sauvages dans l’échelle sociale et j’entends bien que cela soit respecté.

- Holà manant ! Apporte-moi de quoi me sustenter, il y a famine dans mon estomac. Et à boire, le meilleur vin de la région. Sers le tout dans ma hutte princière, je te prie.

Ca a marché ? Je ne peux pas être plus autoritaire, je lui ai sorti direct le grand jeu.

- T’es qui toi ?

Raté. Mais là, mon amour propre en prend un coup… Ne pas connaître le fils bâtard de la troisième sœur de l’Impératrice de l’Hégémonie… Même mon demi-frère me connaît ! Pourtant le secret a été bien gardé, ma mère ne voulant pas être déshonorée. J’ai bien fait quelques gaffes, donc on va dire que la moitié du palais royal connaît mon existence et sait dans quelles circonstances mes géniteurs m’ont conçu. Et l’autre moitié le sait sûrement aussi mais fait semblant de ne pas être au courant. Mais tout cela se limite au palais royal, à ce que j’en sais. Cela dit, n’étant jamais sorti du palais je n’ai pas pu le vérifier… Oui bon c’est vrai, tout bien pesé, il n’y a aucune raison pour que ce sauvage me connaisse.

- Je suis le fils bâtard caché de la troisième sœur de notre Bien Aimée Impératrice de la tout aussi Bien Aimée Hégémonie. Alors Respect.
- Enchanté, je suis Isaac Asimov.
- Isaac Asimov, le Isaac Asimov ? L’auteur de Fondation, ce bouquin que les précepteurs nous font lire quand on n’est pas sages, celui qui est mort il y a dix mille deux cent cinquante quatre ans ? Vous comptez tout de même pas me faire croire ça.
- Lui-même. Mort il y a dix mille deux cent cinquante quatre ans, et pourtant me voilà avec toutes mes dents.
- J’ai compris. Je suis mort, et je suis au paradis.
- Si c’est ici le paradis, priez pour ne jamais mourir. Mais d’ailleurs, que faites-vous là ?
- Bientôt temps pour me poser cette question ! Je me suis réveillé dans la hutte là-bas et…
- LA Hutte ! Hé, réveillez-vous les gars ! Celui-qui-viendra-par-la-hutte est arrivé !
- Euh… Vous me faites peur là. Vous vous sentez bien ? Votre tête, ça va ?

Pas le temps d’en dire plus. Me voilà soudain au centre d’une meute de sauvages d’aspects bien différents. Pas au niveau vestimentaire, puisqu’ils se contentent tous d’un pagne, d’un collier d’os et d’un chapeau avec plus ou moins de plumes. Mais si certains seraient capables de paraître à leur place dans une réception au palais royal de par leur grâce et leur calme autorité, d’autres feraient tout aussi bonne figure dans la rue à tenir compagnie aux mendiants. Je ne suis même pas intimidé. Même pas. Ou peut-être un peu. Mais pas question de le montrer.

- Puisque vous êtes tous réunis… Et si on mangeait ?

Un vieux bonhomme à la figure fripée et aux nombreuses plumes s’avance vers moi.

- Ainsi tu es Celui-qui-viendra-par-la-hutte. Cela reste encore à démontrer. Tu vas devoir subir les épreuves rituelles.
- Euh… Avec plaisir, mais après manger alors. Et sinon, c’est quoi ces épreuves ? Et votre délire avec la hutte, là ? Et qu’est-ce que je fais là ? Qui êtes vous ?

Je n’ai pas pu me retenir. Moi qui ne voulais pas leur montrer mon trouble… Tant pis, ce qui est fait est fait. Au moins ils ont l’air de préparer le repas. Une fois que j’aurai le ventre plein, il sera toujours temps de chercher un moyen de revenir au palais royal.

Chapitre 2 – Le râleur

- Regarde chérie, c’est un ménestrel !
- Hooo ! Ca faisait si longtemps qu’on n’en avait pas vu dans le village ! Va vite chercher les petites !
- C’est pas bientôt fini de me regarder comme ça ? Vous croyez que c’est agréable d’être considéré comme une bestiole de foire ? Oui, oui je suis un ménestrel ! Et alors ? Ca vous suffit pas de picoler et de vous marrer pendant que je m’échine sur scène ? Nan mais franchement. Scrogneugneu greuh.

Tous les mêmes ces… paysans ! Le seul qui sert à quelque chose dans tous ces patelins, c’est ce bon dieu de tavernier. Et encore, tout ce qu’il voit, c’est un moyen de se remplir les poches. M’enfin, pas le choix. Où est cette foutue taverne ? Ha, là-bas. Je fais mon show, et je me barre. Cassos. Si je reste je vais me faire agresser dans mon sommeil ou encore devoir signer des créboudiou d’autographes. J’ai toujours dit que le monde entier était né pour m’emmerder. Non pas que je me prenne pour le centre du monde, mais faut être réaliste. Tous nés rien que pour me pourrir la vie.

- Qu’est-ce qu’y a sale gamine ! T’as jamais vu un foutu ménestrel ? Retourne dans les jupes de ta mère avant que j’te foute la fessée.

Je pousse la porte de la taverne. Gagné, regard cupide du tenancier. Et vas-y que je te fasse les yeux doux, que je t’invite à entrer, à poser tes affaires, à boire un verre, et que si je puis me permettre, si vous pouviez raconter quelques histoires et jouer quelques airs ce soir, ça serait parfait et vous auriez le gîte et le couvert gratuitement. Toujours la même histoire.

- Ce ne sera pas nécessaire. Je jouerai, je mangerai puis je partirai. Je suis à la recherche du palais royal. Au village précédent on m’a dit que c’était tout droit et au village d’avant, la même chose. Pourtant, je ne trouve pas en allant tout droit.
- Vous êtes un drôle de bonhomme. Le palais royal est facile à trouver, tous les panneaux indicateurs donnent la direction à prendre.
- C’est des pièges. Tout le monde m’en veut. On me dit d’aller tout droit, je vais tout droit.
- Si vous le dites…
- Scrogneugneu greuh.

Lui aussi se moque de moi. Tous autant qu’ils sont. Mais je me vengerai. Une fois que je serai au palais… En attendant, pas le choix, il faut jouer pour pouvoir manger.


Hop, ça c’est expédié. Il est l’heure de partir, mais on dirait que le tavernier a d’autres plans pour moi. Je ne vais pas me laisser influencer, j’ai déjà pris ma décision.

- Si j’étais vous ménestrel, je ne voyagerais pas de nuit, la région n’est pas sûre.
- Même pas peur.
- Vous devriez… Même avec votre caractère… de cochon, disons, vous n’effraierez pas les ours.
- Le ragoût d’ours, y a rien de meilleur.
- Mais pensez aux loups…
- Brochette de loup accompagnée de fraises des bois, un régal.
- Aux moustiques…
- Vous me la montrez, cette foutue chambre ? Et réveillez moi demain matin à la première heure. J’ai hoooorreur des moustiques. Ca pique vous savez. Tous nés pour me piquer. Scrogneugneu greuh.

Je sors de ma hutte après une bonne nuit de sommeil. Déprimé. Le grand chef sauvage – Victor Hugo qu’il s’appelle, d’après lui – m’a dit que je retournerais chez moi de la même façon que j’étais arrivé : en dormant, par l’intermédiaire de la hutte. Mais les nuits passent et je suis toujours coincé dans ce village.

- Je vous souhaite de passer une bonne journée, Sieur Celui-qui-est-venu-par-la-hutte.
- Vous de même, Sieur Zola.

Je ne peux pas le supporter, celui-là. Comme si cela ne suffisait pas de me faire appeler Celui-qui-est-venu-par-la-hutte, il faut encore qu’il rajoute un Sieur devant pour bien insister. En plus, il est barbant.
Comme tous les matins depuis que j’ai passé les épreuves, je commence ma journée en me rendant à l’ancienne pierre, au centre du village. Au début, je pensais que les runes qui y sont gravées contenaient le savoir ancestral de ce peuple. Mais depuis que j’ai passé les épreuves… Tu parles d’un savoir ancestral. Si j’avais eu le choix, j’aurais préféré rester incapable de déchiffrer ces runes. Des prophéties. Certaines parlent de choses passées, d’autres qui seront. L’une me concerne. Enfin, si je crois leurs balivernes.



Du grand n’importe quoi. Ils prétendent être des écrivains morts depuis longtemps. Leurs œuvres ont plu aux dieux, qui les ont ressuscité dans ce village afin de surveiller l’accomplissement des prophéties et d’écrire l’Histoire de l’univers. Ces dieux venaient les voir régulièrement, mais cela fait plusieurs années qu’ils ne sont pas venus. A la place, c’est moi qui suis venu. Par la hutte. Donc forcément, ils ont tout fait pour que la prophétie soit respectée. Jugez par vous-même. En guise de première épreuve, j’ai dû manger un cornichon, comme si j’étais un homme du peuple. Dur. Encore plus dur quand ils m’ont dit que je n’aurais rien d’autre à manger avant d’avoir fini les épreuves. La deuxième épreuve consistait à braver le feu au son des tambours. Qui dit feu de camp et tambour, dit attendre le soir, un feu de camp la journée ça n’a aucun charme qu’ils disent. Je mourrais de faim, et vu que je voulais en finir vite, j’ai mis la main dans le feu. Pour la retirer aussitôt, complètement brûlée. Ca me fait encore mal, d’ailleurs. Mais apparemment ça leur avait suffi. La troisième épreuve a été la plus dure, la seule véritable épreuve. Je me suis retrouvé en train d’escalader une petite falaise de dix mètres de haut. Braver la montagne qu’ils disaient. Dans le noir, avec un estomac qui ne s’était pas retrouvé aussi vide depuis le jour de ma naissance, et avec une main carbonisée. Enfin, j’y suis parvenu, et j’ai trouvé un livre là-haut. J’ai posé la main dessus pour le prendre, et la connaissance m’a envahi. Depuis ce moment, ils m’appellent Celui-qui-est-venu-par-la-Hutte, et je peux déchiffrer les runes.
Ca vous paraît dingue non ? A moi aussi. Pourtant je n’ai pas rêvé. J’aurais bien aimé me réveiller dans mon lit et me dire que j’avais rêvé tout ça. Mais chaque matin est une nouvelle déception.
Un flash lumineux. Un éclair par ce temps ? Bizarre. Je me retourne et vois une femme en robe de soie verte plus que décolletée, aux longs cheveux noirs et aux yeux d’un bleu profond, au visage délicat et à l’allure majestueuse et…
Et les villageois qui se précipitent pour se jeter à genoux devant elle, qui se prosternent à tout va comme si leur vie en dépendait. Elle les ignore complètement et s’avance vers moi. M’assène une gifle qui me fait voir de jolies étincelles. Je me rends compte que mes genoux ont flanché, que je suis assis à ses pieds. Quelle humiliation !

- Insolent ! Ne sais-tu donc point qui je suis pour rester debout en ma présence ? Tu ne mérites même pas de me lécher les pieds.
- Ha mais je ne vous permets pas ! Je suis le fils bâtard de…
- Je suis la Déesse du Bien.

Je suppose que j’ai l’air stupide avec cette bouche grande ouverte, mais je n’arrive pas à la refermer.

- C’est donc toi, celui que les prophéties annoncent. On aurait pu rêver mieux. Un noble jamais sorti de son palais, pas débrouillard pour deux sous et suffisamment stupide pour s’adapter à une situation on ne peut plus étrange.
- Je…
- Silence ! Je ne suis pas venue pour papoter, mon temps est bien trop précieux. J’ai tellement envie de connaître la suite de la Roue du Temps… Mais non, il faut que je vienne m’occuper d’un vermisseau. C’est si dur d’être une déesse…

Encore un peu et on réussirait à la plaindre.

- Bref. Je suis venu t’apporter le Savoir, tel que la prophétie l’a prédit. Voilà ta mission. Tu vas retourner dans le monde des hommes. Tu vas trouver le Méchant et l’élever au rang de dieu du mal. Ainsi l’Equilibre sera rétabli et tu deviendras Dieu de la Neutralité. Des questions ?
- Oui. C’est une blague ?

Un regard des plus méprisants. C’est tout ce qu’elle m’accorda avant de disparaître. Bon, le soleil est haut dans le ciel. Maintenant que j’ai fait tout ce que la Prophétie voulait que je fasse ici, il est peut-être temps que j’aille me coucher…
Tiens, elle a laissé quelque chose par terre. Je ramasse, on ne sait jamais.

Enfin arrivé. Pas trop tôt ! Satanés paysans. M’envoyer sur de satanées fausses pistes alors que le palais était si proche à chaque fois. Mais j’y suis arrivé quand même. Tout le monde m’en veut, mais je suis trop fort pour eux. Ils ne m’auront jamais.

- Halte, ménestrel ! Que venez-vous faire au palais royal ?
- Jouer, évidemment. Que voulez-vous que je fasse d’autre ? Que je nourrisse les cochons ? Que je fasse un numéro de claquettes dans les cuisines ? Scrogneugneu greuh.
- Ha, vous êtes le Râleur dont tout le monde parle. Surveillez votre langue, au palais, si vous ne voulez pas vous retrouver au cachot. Sont pas commodes les nobles. Tenez l’autre jour, le chef cuisinier s’est retrouvé au cachot parce qu’un de ses apprentis avait mis une patte de souris dans la soupe du beau-frère de l’Impératrice, louée soit-elle. Paraît que ça porte malheur. En tout cas ça ne doit pas donner bon goût à la soupe.
- Râleur ??? Moi un râleur ? Pas ma faute si tout le monde m’en veut. Vous savez, je suis un incompris, un exclu, un…
- Oui oui c’est bon j’ai compris. Passez, je ne veux plus vous entendre. Et pensez à la patte de souris du cuisinier, si vous voulez faire de vieux os.

Scrogneugneu greuh. Encore un qui me prend pour de la crotte de chèvre. Hé bien je ne vais pas lui faire plaisir. J’entre, mais pas parce qu’il me l’a demandé. Na !



Pas de murs en bois. Pas de terre au sol. Un lit confortable. Si c’est une hutte, c’est drôlement confortable. Pas de doute, je suis revenu au palais royal, dans ma chambre. J’en crierais presque de joie. Première chose à faire, trouver la petite serveuse de l’autre jour et la convaincre de… Aïe ! Ma tête… Ce n’est peut-être pas une bonne idée, la serveuse, avec ce mal de tête. Ha, c’est passé. Je devrais la trouver aux cuisines et on ira faire un tour, puis… Aïe ! Encore un élancement. Si je ne jugeais pas cela impossible, je penserais presque que quelqu’un n’a pas envie que je m’amuse avec cette serveuse. Bon, je vais me faire un golf alors. Mais aïeuh !

- C’est bon, je vais m’en occuper de votre prophétie ! Pas la peine de me faire mal comme ça !

Et voilà, je parle tout seul. C’est une déesse, elle doit pouvoir m’entendre, non ? Déesse du Bien, tu parles. Une esclavagiste oui.


Mignonne cette petite serveuse. Ca me change un peu des vaches qu’il y avait le long de la route.

- Dis-moi petite, tu fais quoi là tout de suite maintenant ? J’me disais que tu étais plus mignonne que les vaches qu’j’ai vu en v’nant et…

Elle n’y a pas été de main morte la petite jeunette. Sacrée baffe qu’elle m’a mis. Où est la salle à manger ? Va falloir que je leur joue quelques airs si je veux manger. Mais d’abord, direction la salle aux instruments. Ras le bol de cette harpe mal accordée, y a bien des instruments un peu mieux dans le palais royal.



Trouver le Méchant. Facile à dire. Comment je suis censé trouver le méchant ? L’univers est un peu grand. Enfin je pense, vu que je ne suis jamais sorti du palais. Sauf si on compte le village de sauvages, mais on ne peut pas vraiment appeler ça sortir. Mon cousin ne fait rien que de m’embêter, mais je ne pense pas que cela en fasse le Méchant. Première chose à faire, regarder les infos. La télé, un luxe à ce qu’il paraît. Mon précepteur personnel m’a affirmé qu’autrefois, tout le monde avait l’électricité. Mais que maintenant, seul le palais royal en était équipé, en dehors des spatioports, des laboratoires de recherche et des usines. Ces derniers demandent tellement d’énergie qu’il n’en reste plus pour la population. Il paraît aussi qu’un marché noir de l’énergie s’est développé. Difficile à croire.

- Sept cent vingt quatrième jour du conflit entre notre bien aimée Hégémonie et cet Empire rebelle. Après plusieurs mois de statu quo, la situation a évolué. Notre trente-septième escadron et une flotte adverse se sont mutuellement exterminés. Les lignes de défense s’étirent un peu plus, et il ne serait pas étonnant qu’une offensive majeure ait lieu prochainement, d’un côté ou de l’autre. L’autoproclamé Empereur a une nouvelle fois réaffirmé lors d’une interview qu’il était le méchant et que l’on était les gentils. Drôle de bonhomme… Et maintenant, place à la météo. Il fera beau là où le soleil brillera et ailleurs il…

Une guerre ? Il n’y avait pas de guerre quand je suis parti… et 724 jours de guerre ??? Je ne me suis absenté que quelques jours ! Pas grave, je peux me réjouir, j’ai trouvé le Méchant. Le chef de l’empire rebelle. Plus qu’à affréter un vaisseau et à me rendre là-bas.



Une mandoline électrique ! Il y avait une mandoline électrique dans ce palais ! L’instrument légendaire, que l’on croyait disparu en même temps que l’électricité. Mais il y a l’électricité au palais. Se gênent pas les nobles. C’est de haute naissance alors ça se croit au dessus des lois que ça édicte. J’t’en foutrais moi. Ca me met hors de moi ça. Tiens pour la peine, je leur dis ma façon de penser, et je me carapate en emportant la mandoline. J’en tirerai un bon prix. L’Impératrice n’est pas connue pour sa mansuétude, mais il suffit qu’elle ne m’attrape pas. Créfieu, j’ai plus mes jambes de vingt ans mais je sais encore courir. Au moins aussi bien que ce jeune freluquet qui se prétend noble que voilà. J’vais lui rabattre son foutu clapet.

- Hé vous là ! Oui vous, sale noble !
- Mais je vous interdis, manant ! Je suis le fils bâtard secret de…
- Manant ? Je suis un ménestrel moi, môssieur le fils bâtard. Et vous allez m’entendre ! De quel droit avez-vous l’électricité au palais ? Pendant que vous êtes bien au chaud ici, on crève de froid dans les campagnes ! C’est honteux môssieur, honteux ! Vous êtes des parasites, tous autant que vous êtes ! Sur ce, je ne vous retiens point, j’ai une mandoline volée à vendre.
- Gaaaaardes !
- Hé non, c’est pas du jeu !
- Alors suivez-moi, vite !

- Vous ne m’avez toujours pas dit comment vous comptiez approcher de ce bon dieu d’empereur complètement cinglé.
- Facile. Regardez, la Déesse du Bien m’a laissé cet objet. Et regardez bien l’objet.
- Il est carré. Noir. Petit. Et il y a un petit bouton. Vous pouvez le jeter mon vieux, c’est juste un sacré briquet.
- Je ne pense pas, maître ménestrel. Et je ne suis pas votre vieux, mais le fils bâtard secret de…
- Oui, c’est bon, je suis au courant, merci. Mon bon monsieur, si tu préfères.
- C’est toujours pas ça… Et ne me tutoyez pas, on n’a pas élevé les cochons ensemble.
- Ca ne vous aurait pas fait de mal… Et sans vouloir vous affoler, les tourelles des deux vaisseaux amiraux sont en train de nous ajuster. On va se faire tirer comme des lapins, c’est moi qui vous le dis. Alors faites quelque sacré truc pour nous sortir de là !
- Accrochez vous. Vous voyez le bouton ? J’appuie. Le flash.



Je suis tranquillement assis dans le vaisseau amiral. Ils ont tous essayé de me dissuader de venir participer au combat. Comme si un chef digne de ce nom pouvait rester tranquillement dans son palais à attendre. Je ne suis pas cette lâche d’Impératrice. Leur chef est présent dans la bataille, donc les hommes sont prêts à tout pour défendre le vaisseau amiral et pour gagner la bataille. Rien de mieux pour motiver les troupes. Et ils ont bien besoin d’être motivés, vu l’infériorité numérique de notre flotte. On en arrive enfin à la dernière bataille, après 800 jours de conflit. J’aurais bien fait durer cette guerre plus longtemps, mais le nombres de vaisseaux de guerre, d’un côté comme de l’autre, commence à tendre dangereusement vers le zéro. Assurément, la paix règnera dans l’univers après cette dernière escarmouche, vu qu’il restera au maximum une centaine de vaisseaux de guerre dans tout l’univers.

- Sire, ça se passe plutôt mal. Nous avons perdu la moitié de notre flotte. Et l’ennemi est toujours en supériorité numérique. Leurs pertes sont égales aux nôtres.
- Ce n’est pas grave, c’est ce que j’avais prévu. Je serai méchant jusqu’au bout, vous mourrez tous avec moi.
- Sadique.
- C’est tout l’effet que ça vous fait ?
- J’avais prévu le coup. J’ai envoyé un fax au paradis pour les prévenir que j’arrivais. Ils m’ont réservé une suite dans un grand hôtel.
- Très drôle.
- Merci. Je savais que vous apprécieriez.
- Hé bien, puisque vous avez pris toutes les dispositions nécessaires… Donnez l’ordre à tous les vaisseaux de foncer sur la flotte adverse à pleine vitesse. Une fois que nous serons dans leurs lignes, concentrez le feu sur leurs vaisseaux principaux. Si nous sommes encore vivants d’ici là, bien entendu.

Une tactique désespérée, comme je les aime. Le dernier pari.



Je ne sais pas pourquoi j’ai embarqué ce ménestrel avec moi, mais toujours est-il que je n’ai pas eu à le regretter. Tant qu’il ne râle pas, il est d’une agréable compagnie. C’est-à-dire, il ne râle pas quand il joue de la mandoline, et il en joue plutôt bien. On a dû débrancher le circuit du réacteur d’urgence pour pouvoir alimenter en énergie la mandoline électrique, mais ça en valait la peine. Il avait une harpe, mais s’en est servi pour réduire au silence un garde, au spatioport privé du palais. Oser me refuser le droit d’emprunter un astronef. S’il avait accepté d’entendre raison, il ne se serait pas retrouvé avec une harpe en guise de nœud papillon.
La chance étant avec nous, le vaisseau dernier cri était à quai. Commande vocale, capacité de 10 personnes, salle de bain au milieu de la cuisine, équipé de la propulsion hypersespace. Largement suffisant pour ce que je voulais en faire. Une fois à bord, je me suis rappelé que je ne savais pas piloter, et que je n’avais aucune idée d’où trouver l’Empereur rebelle. Rien de grave. L’ordinateur de bord étant presque aussi intelligent que moi, il a pu me renseigner. Et nous voilà en route vers ce qui s’annonce comme la dernière bataille de cette guerre. Si le Méchant se fait tuer, j’aurai l’air malin.



Le vide intersidéral a retrouvé son calme habituel. Les canons lasers se sont tus. Les dernières traces de plasma disparaissent. Des débris dérivent un peu partout. Les vaisseaux survivants se rentrent dedans ou s’éloignent du carnage dans l’indifférence générale. L’heure est à la célébration. Les hommes sont heureux, plus heureux qu’ils ne l’ont jamais été. Ont temporairement oublié où ils sont et ce qui vient de se passer. Tous, sauf un. Le Méchant. Il attend.



Efficace, cet objet divin. Un appui sur le bouton, et tout s’est calmé. Le ménestrel semble en extase, et en oublie même de râler. Extraordinaire. J’ordonne à l’intelligence artificielle d’aborder le vaisseau amiral des rebelles.

Le Méchant se tient devant moi, indifférent aux scènes de liesse qui l’entourent. Il est bougrement imposant. Pas que je sois terrorisé par son aura, mais pas loin quand même. Pas de doute, c’est bien Lui.

- Hum… Enchanté, Méchant. Je suis le fils bâtard caché de…
- Jeune homme, vous direz à celle qui vous envoie que je me contrefiche de ses plans foireux. Elle et sa prophétie débile, faites comme moi : envoyez les balader.

Je déteste avoir l’air stupide. Mais à ma place, vous auriez réagi comment ? Personnellement je réagis comme je sais si bien le faire. En ouvrant la bouche et de grands yeux.

- Vous croyez être le seul à être manipulé ? Tenez, le ménestrel qui vous accompagne par exemple. Il a vu le jour pour une seule raison. Assommer le garde qui vous empêchait de prendre ce vaisseau. Et moi. Dès ma naissance, je savais que j’aurais à jouer le rôle du Méchant. Mais je l’ai fait à ma façon. Pas besoin que deux guignols viennent m’annoncer que je serai le prochain Dieu du Mal pour satisfaire à une Prophétie écrite à la va-vite par une Déesse en mal d’aventures palpitantes. L’Equilibre est rétabli pour un bon paquet d’années selon mon point de vue, si madame la Déesse n’est pas contente, elle n’a qu’à trouver d’autres pantins avec qui jouer. Sur ce, venez avec moi, il est temps de quitter ce vaisseau. La guerre va reprendre une fois que vous appuierez sur le bouton du truc que vous avez en main, je suppose, et je ne compte pas être là pour voir la fin de la bataille. Chancelier, vous venez aussi. Allez, dépêchez-vous !

Je suis le Dieu du Neutre. Génial. Je vais vivre une vie éternelle, à m’ennuyer, à flirter avec la seule autre Déesse qui existe… Si seulement il y avait un Dieu du Mal, je pourrais jouer aux cartes ou aux échecs avec lui. Hé, je viens d’avoir une idée géniale !

- Bouffon, venez ici !
- Bouffon Divin, mon vieux. M’enlève pas la moitié honorifique de mon titre, sinon tu vas tâter de ma harpe.
- Hem, ça ne me tente point. Bouffon divin, vous allez m’écrire une jolie prophétie, et me sélectionner quelques crétins qui seront chargés de l’accomplir, ça nous distraira quelques années…




- Vous aviez tout prévu dès le départ non ? Vous connaissiez cette prophétie. Vous saviez que vous seriez élu Dieu du Mal. Que vous y gagneriez la vie éternelle.

Rire sadique.

- Evidemment. Vous me connaissez suffisamment pour savoir que j’avais tout envisagé, pesé chaque solution, et agi en conséquence. Je suis le plus grand génie que cet univers ait jamais connu.
- Et le pire, c’est qu’il n’exagère même pas…
- Mais dites, moi, Henri-Robert du Lac… C’est franchement ridicule comme nom. Et pompeux, pour un paysan.
- Je me demandais quand vous alliez finir par vous moquer. Il a fallu que vous deveniez Dieu pour cela. Un de mes parents à la vingt-cinquième génération était noble mais a été déchu. Ma famille a voulu conserver ce nom dans son orgueil… Ridicule.
- Tout à fait ridicule. Mais entre nous… vous ne pensiez tout de même pas que j’avais accepté de devenir un Dieu ? Votre village natal est bien sur Marok Anar ? Très belle planète. Vous venez ? Les brebis n’attendent que nous…

Un grand merci à Methos, mon nègre qui a voulu rester anonyme.

Un petit merci à MagMell, pour m’avoir assisté et encouragé sur msn et pour avoir osé affirmer que mon RP n’était pas sérieux.

Un merci plussé à LN pour avoir lu en avant-première et s’en être tiré saine et sauve.

Un énorme merci par avance aux fans de LN. Je savais que vous ne me lyncheriez pas pour ce que je lui ai fait endurer.

Et surtout, merci à ceux qui ont lu jusqu’au bout cette histoire.